Samedi 14 novembre, l'Egypte et l'Algérie jouent au Caire un match décisif de qualification au Mondial 2010 de football. Depuis plusieurs jours, la tension autour de la rencontre est grande : guerre des hackers sur Internet, déclarations guerrières... Ce climat de tension s'est matérialisé jeudi 12 novembre au Caire par le caillassage du bus de l'équipe algérienne sur le trajet entre l'aéroport et l'hôtel. Plusieurs joueurs ont été blessés. Yazid Ouahib, envoyé spécial d'El Watan sur place, évoque un "climat malsain" autour de la rencontre et pointe la part de "responsabilité des médias des deux parties" dans cette escalade.
Pouvez-vous revenir sur les incidents de jeudi ?
J'étais au stade du Caire pour obtenir mon accréditation lorsque des supporters algériens, allés accueillir la sélection, ont appelé pour m'informer de l'agression. Avec mes collègues journalistes, nous sommes arrivés vingt à trente minutes après à l'hôtel où séjourne l'équipe. Nous avons vu les débris de glace autour du bus. Le ministre de la jeunesse et des sports est venu vers nous pour donner sa première réaction. Il a apaisé les esprits. Beaucoup de policiers interdisaient l'entrée du grand salon de l'hôtel, à l'intérieur duquel le staff et les joueurs se trouvaient. J'ai pu m'entretenir par téléphone avec Anter Yahia, le joueur de Bochum. Les membres de l'encadrement nous ont montré les photos et les vidéos des blessés. Certains joueurs ont été plus particulièrement atteints. Khaled Lemmouchia a eu trois points de suture au cuir chevelu, Rafik Halliche un ou deux à l'arcade sourcilière. Les autres sont touchés au bras.
Dans quel état d'esprit se trouve la sélection ?
Les joueurs ont été choqués. Ils ne sont pas habitués à ce genre de débordements. Mais, d'après Halliche et Yahia, cela sera une source de motivation supplémentaire. Les joueurs en veulent. Ils auront eu quarante-huit heures pour reprendre confiance et se remotiver puisque le match se déroule samedi soir. Ces incidents vont décupler leur motivation. Ce sont des compétiteurs, et je pense qu'ils ont les moyens de franchir un cap sur le terrain. La qualification est à portée de main.
Les autorités égyptiennes ont-elles pris suffisamment de précautions, selon vous ?
On ne peut pas tout prévoir, tout canaliser. Les autorités égyptiennes ont déclaré qu'elles allaient demain contenir les 80 000 supporters. Il a suffi hier d'une poignée de personnes pour créer l'incident. Le degré zéro d'insécurité n'existe pas.
Comment expliquez-vous cette violence ?
Je pense que les médias des deux camps ont grandement contribué à créer ce climat malsain autour de la rencontre. Mais je dois dire que sur place, si l'on excepte les messages sur les forums Internet, la tension n'est pas visible. Les Egyptiens vaquent à leurs occupations dans les rues du Caire. On ne dirait pas que l'équipe nationale va joueur un match décisif pour participer à la prochaine Coupe du monde. On ne ressent pas la tension.
La presse égyptienne a parlé de mise en scène algérienne. Qu'en pensez-vous ?
On a entendu ce discours dès hier soir à la télévision égyptienne. Il n'y avait pas de journalistes égyptiens jusqu'à 23 heures à l'hôtel de la sélection algérienne, ce n'est pas normal. Ces allégations ne tiennent pas debout. D'ailleurs des journalistes français de Canal+, non suspect de partialité, ont filmé les événements. Le comportement de la presse égyptienne fait partie de la guerre psychologique menée des deux côtés. Dans ce contexte, je trouve cela irrespectueux et grossier.
Propos recueillis par Anthony Hernandez
lemonde.fr